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Musique en herbe
Musique en herbe - Enfance, culture et lien social

12 années de collectage à Saint-Denis

Depuis plus de 20 ans, Musique en Herbe s’est engagée dans des projets collectifs de collectage impliquant enfants, parents et enseignants dans les écoles maternelles situées dans des quartiers défavorisés de Seine-Saint-Denis. Contrats de ville, quartiers politique de la ville, ZEP, REP, puis REP+…
Noisy le Sec, Sevran, Saint-Denis, Aubervilliers, Bondy, La Courneuve, nombreuses sont les écoles et les équipes enseignantes qui se sont investies dans ces projets de partage artistique avec les familles, à partir de leur mémoire, de leurs langues parfois fragilisées et revivifiées grâce aux mélodies et aux rythmes des chants de leur enfance.

Dans certaines de ces écoles, un lien durable s’est établi entre le musicien intervenant et les enseignants. L’école Saint-Léger de Saint-Denis fait partie de ces lieux où des années durant, les collectages ont été renouvelés, afin de toucher de nouvelles familles. Peu à peu se sont créés des liens musicaux entre les enfants d’une même famille, une écoute différente et plus nourrie s’est installée entre parents et enseignants. Les projets se sont affinés, tant dans l’organisation que dans le réinvestissement de ces temps forts dans les activités pédagogiques auprès des enfants.

L’article qui suit retrace une aventure de douze années musicales co-écrites entre familles et équipe enseignante, au cœur des cultures enfantines.

 

 

 

 

 

Chants d’ici – chants d’ailleurs

«Chants et comptines au service du langage et du lien école/familles»
École maternelle Saint-Léger de Saint-Denis,
Stéphanie Wongermez et Emmanuelle Deniau

Les séances d’enregistrement avec les parents

Les séances d’enregistrement ont eu lieu selon les années entre Novembre et Mars, en fin de journée, de 16h30 à 19h00 ou quelques samedis matin.

Écoutes, reprise et travail collectif à partir des enregistrements en classe

Afin de valoriser cette collecte, nous proposons un travail d’écoute et de découverte collective, ou par petits groupes autonomes dans un coin d’écoute dédié.

Autour du plurilinguisme : nous identifions les différentes langues, suscitons la parole des enfants : de quels parents s’agit-il ? Est-ce un papa, une maman ?

Explorations sonores avec les enfants ;
– Écoute des comptines du patrimoine (français et langues régionales), dans des langues étrangères.
– Comparaison de comptines dans différentes versions (par exemple « Dansons la capucine » chantée différemment par les deux maîtresses).
– Apprentissage des comptines et chansons simples en Français ou dans d’autres langues (Frères Jacques…).
– Sélection de quelques chants à reprendre en chorale pour une présentation auprès des familles.
– Identification et reconnaissance de différents instruments de musique.

Productions plastiques et visuelles dans le but de créer la pochette et la couverture du carnet de bord

Souvent les pochettes des CD ont été réalisées à partir des projets menés parallèlement en classe : sur un album, un artiste, un auteur, un thème, un mot, une technique plastique… et mis en lien avec le thème de la famille.
Cela peut aller de thèmes comme l’ombre et la lumière, le vent, les contes, le printemps et les insectes… au travail sur un peintre comme Auguste Herbin, ou un illustrateur.

Pour le projet 2022/ 2023 par exemple, dans l’une des 2 classes, les élèves ont représenté leur famille à l’aide de matériaux de récupération : boutons, fil de fer, tissus, peinture encre… Nous nous sommes inspirés des œuvres de Christian Voltz dont nous avions étudié quelques albums. Leurs productions ont ensuite été associées et collées sur des cartons peints en noir, eux-mêmes assemblés et pris en photo pour la jaquette de la pochette et exposés pour la restitution.

Dans l’autre classe, les élèves ont travaillé sur des formes géométriques et des couleurs (découpage, collage, tracé…). Ils ont ensuite découvert le travail de l’artiste Auguste Herbain, qui a réalisé des tableaux composés de formes également géométriques et colorées en créant un alphabet graphique. Dans la classe, nous avons ensuite élaboré notre propre alphabet graphique, à partir duquel chaque enfant a composé son prénom.

Mise en valeur du projet auprès des parents

Afin de mettre en valeur cette année musicale auprès des parents, nous avons chaque année, imaginé une présentation artistique et festive. Les enfants ont participé à la disposition collective des travaux dans le préau. Certaines années, des cartons d’invitation à destination des familles ont été réalisés, alliant travail plastique, graphisme et écriture.

Les dictées à l’adulte des compte rendus de séances

À l’issue de chaque séance, et à partir des photos prises lors des séances, un travail de dictée à l’adulte était mis en place de façon individuelle avec les élèves. Il s’agissait d’observer avec les enfants les photographies en les laissant dans un premier les découvrir et se remémorer le moment vécu. Puis ensuite, en les guidant, en leur posant quelques questions (- Qui vois-tu ? – Avec qui est ton papa, ta maman ? – Que font-ils ? – En quelle langue ont t-il chanté ?…) ; chaque enfant est amené à dicter à l’adulte ses réponses en veillant à moduler son débit pour laisser le temps à l’enseignant qui écrit devant lui tout ce qui est dit. Le compte rendu est ensuite relu et modifié si besoin.

En fin d’année, l’ensemble des photographies et dictées, étaient recueillies dans une sorte de « carnet de voyage », mémoire visuelle accompagnant le CD et son livret.

Évolution de la relation avec les parents

Le projet « chant d’ici et d’ailleurs » favorise le lien école/famille :

Grâce au projet mené pendant de nombreuses années et avec différents acteurs (collectrices, enseignants…), un climat de confiance à long terme a pu s’installer entre les familles et l’équipe enseignante.

Les familles se sentent accueillies différemment, et notent l’importance de garder un lien avec leurs origines et leurs langues pour l’épanouissement de leur enfant.

Les séances d’enregistrements sont souvent des moments de partage.

Nous tenions à accueillir les familles de façon conviviale et prévoyions toujours des gâteaux faits maison et des boissons. Des familles sont même venues elles-mêmes avec des gâteaux (ce qui a permis des échanges de recettes…) et du thé à la menthe.

Les chants permettent aux parents de se référer à leur propre histoire :

Les parents évoquent souvent ce que peut leur rappeler telle ou telle chanson (une chanson chantée à leur enfant, qu’on leur chantait quand ils étaient eux même enfants…)

Parfois les grands-parents viennent aussi chanter, ce qui crée un partage entre différentes générations.

Il est arrivé par exemple qu’une grand-mère accompagne sa fille et sa petite fille et qu’elle se mette à chanter en Kabyle (sa fille très émue ne l’avait jamais entendue chanter dans sa langue maternelle).

Il est arrivé également qu’une grande sœur se « dévoue » pour venir à la place de sa maman et épaulée et soutenue par des mamans présentes, ne parvienne plus à partir.

À travers le partage de cultures très variées, la culture de la maison est valorisée ainsi que la langue parlée à la maison, ce qui permet de régler le conflit de loyauté que peut rencontrer l’élève allophone.

Lors du confinement, le projet a pu être poursuivi malgré les difficultés techniques. Les parents qui n’avaient pas pu venir en classe lors des premières séances ont joué malgré tout le jeu en s’enregistrant à la maison, et en envoyant leur collecte personnelle aux enseignantes. Le lien avec les familles n’a jamais été rompu. Une correspondance sonore a été établie.

Enrichissement personnel

D’un point de vue personnel, il est important de souligner un contact particulier avec les familles. Nous avons pu le constater après une pause de quelques années.

Si un climat de confiance s’installe entre les familles et l’école, le regard des enseignants sur les familles évolue également. Les relations sont facilitées.

Ce projet est aussi très enrichissant pour nous, enseignants : l’accès à des langues, des cultures et histoires différentes des nôtres. On apprend comment on berce sur cette comptine turque son bébé placé sur son pied ; on apprend des chansons de gestes pour compter. On peut redevenir un enfant quand un papa sénégalais venant rarement à l’école et dont on ignorait ses talents de conteur, hypnotise toute une assemblée.

Les comptines d’ici et d’ailleurs permettent également de créer des liens entre les familles : répétitions et soutiens entre mamans devant l’école…. 

 

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